A l’approche de l’été et du démarrage des chantiers, il faut souligner que nous ne sommes pas encore revenus à la “normalité”, la pandémie a encore des derniers sursauts. Pourvu que ce soit bien les derniers. Cette année, il n’y a pas eu non plus d’appel ouvert à participer aux chantiers de SED.
Seules quelques personnes y participeront, sur demande préalable des partenaires locaux et avec l’autorisation des responsables de SED. Nous espérons que l’année prochaine, nous pourrons bien profiter tous et toutes de cette expérience si enrichissante en tant qu’éducateurs et éducatrices maristes. Pour rappel, cet été vous pourrez quand même partager votre vécu ici. Il s’agit d’une ressource éducative précieuse pour savoir en quoi consiste le rôle de bénévole de SED et le travail dans nos écoles et œuvres sociales.
En avant-première, nous vous présentons un témoignage de deux éducateurs qui, en 2016, nous racontaient leur expérience des chantiers et missions de notre ONG.
Cet été, nous avons eu la chance de pouvoir participer au CTM (chantier et mission) d’Uspantán au Guatemala. Il s’agit peut-être du CTM au cours duquel nous avons vécu le plus intensément la partie « Mission ». Tout d’abord parce que nous étions dans un cadre profondément spirituel, avides de formation religieuse et avec une ambiance de célébration exceptionnelle. Ensuite parce que nous l’avons abordé comme un « nouveau » mariage, puisque cette fois-ci nous avions quelque chose de plus à partager avec eux.
Il est intéressant de voir à quel point l’être humain est capable de s’adapter à l’environnement dans lequel il se trouve. Lorsque nous avons quitté l’Espagne, nous pensions que les conditions dans lesquelles nous allions vivre seraient très difficiles, mais ce qui nous inquiétait au début s’est petit à petit transformé en un cadre quotidien dans lequel nous nous sommes bien sentis.
Pendant cinq semaines, nous avons vécu dans les villages proches d’Uspantán, dans un milieu rural. Nous y avons rencontré des gens simples et humbles, des paysans qui se sont donné du mal pour s’occuper de nous comme de leurs enfants, et sans nous connaître ils nous ont offert leur plus grand sourire. Il n’y avait aucune méchanceté dans leur façon de s’exprimer et aucune intention cachée dans leurs remarques.
Notre tâche consistait à accompagner les communautés et à partager avec elles au travers de prières avec les familles, de visites aux malades, de soutien aux écoles, de réunions avec les jeunes, de formations religieuses… Chaque famille que nous allions voir nous recevait avec un grand sourire et en s’exclamant « Entrez, venez vous reposer ! ». Dieu était omniprésent, dans l’église, chez ceux qui aidaient à célébrer le mot, chez les malades, dans les rencontres avec les gens, dans la pluie qui faisait pousser leurs récoltes, dans la nature luxuriante.
Ce séjour nous a démontré qu’on trouve toujours le temps de demander « comment ça va ? », mais aussi d’écouter la réponse ; que parfois nous avons des aspirations qui perturbent notre quiétude et ne nous mènent pas au véritable bonheur ; que nous sommes très chanceux d’avoir pu apprendre autant de toutes les personnes que nous avons croisées en chemin. Nous nous sommes souvenus de l’importance de l’éducation, en particulier pour la formation d’esprits critiques qui luttent pour leurs droits et ceux de leurs communautés. Qu’il est important de continuer à soutenir l’éducation dans cette région rurale du Guatemala !
Nombreux sont les enfants qui marchent deux heures pour rejoindre l’école, ils font de vrais efforts, eux et leurs familles, pour poursuivre leurs études. Quelle joie de voir que ce sont les jeunes ayant suivi des études qui ont le plus d’opportunités et de poids au sein des communautés ; l’éducation est un puissant outil pour changer les choses ! Avec un peu de saine jalousie, on se rend compte que les enfants adorent aller à l’école, même si certains professeurs sont plus préoccupés par d’autres sujets que l’éducation. L’envie qu’ont les enfants de lire, d’apprendre, de compter contraste avec ceux qui dans notre réalité font la tête en s’exclamant « Noooooon… encore ? ».
Ces expériences sont bien sûr jalonnées de moments de frustration et de colère face à la réalité ; par exemple en se rendant compte de la fragilité de la vie des enfants (avec une mortalité élevée chez les moins de cinq ans), du manque de couverture de certains besoins de base, du décrochage scolaire précoce en raison de difficultés économiques compliquant l’accès à l’éducation secondaire, de l’absence de chefs dans le village à cause de la guerre civile qu’ils ont vécue, de la déstructuration familiale qui existe du fait du nombre élevé de pères de famille ayant migré vers la côte et les États-Unis.
Nous sommes toutefois très reconnaissants d’avoir fait la connaissance de tant de personnes généreuses, simples, accueillantes et profondément croyantes, entièrement dédiées à leur famille, et d’enfants ayant envie d’apprendre ; nous sommes reconnaissants d’avoir découvert une culture différente, et heureux d’avoir démarré notre mariage aux côtés des préférés de Dieu, qui nous ont donné de nombreuses leçons à appliquer dans notre vie.
Lorsque nous avons partagé notre vécu à notre retour en Espagne, quelqu’un nous a demandé : « Et pourquoi vous ont-ils hébergés chez eux et nourris ? » La question a provoqué chez nous une profonde interrogation, car le motif n’était pas lié à ce que nous pouvions leur apporter (en effet ils ne savaient pas ce que nous allions faire, ni si nous étions de bonnes ou mauvaises personnes). Leur hospitalité est inconditionnelle, avant même de vous connaître, avant même de savoir si vous allez leur apporter quelque chose, si vous êtes quelqu’un de bien ou non ; ils vous hébergent dans la meilleure maison du village et vous préparent leurs meilleurs plats (et la nourriture n’abonde pas, ils se privent plutôt de leur repas de fête pour vous l’offrir).
Dans les pays dits « développés », nous avons beaucoup à apprendre de cette hospitalité, nous qui mettons des barrières aux frontières pour empêcher l’entrée des personnes qui souffrent et fuient l’horreur, nous qui détournons le regard lorsque quelqu’un a besoin d’être accueilli, nous qui dans un premier temps nous méfions des gens jusqu’à ce qu’ils nous démontrent qu’on peut leur faire confiance, nous qui donnons ce dont nous avons en trop pour ne pas réduire notre niveau de vie…
Pour terminer, nous souhaitons remercier SED pour nous avoir fait vivre cette expérience qui a ravivé notre cœur et notre foi ; les Sœurs de la Sagrada Familia qui nous ont fait sentir comme chez nous au couvent d’Uspantán ; les habitants des villages dans lesquels nous nous sommes rendus, qui ont pris soin de nous et nous ont accueillis avec tant d’attention ; et Dieu qui nous a poussés à quitter nos « terres » pour Le trouver à travers les gens dans le besoin.
Alex Balcells et Rocío Herranz
CTM Uspantán (Guatemala)